Le geek &
les couleurs

Un geek ne dort pas, il se met en veille !

Secrets of the Beehive

geek_header_secrets-beehiveComme beaucoup de geeks, j’écoute de la musique. J’ai la chance de pouvoir en écouter durant mon travail et c’est tant mieux, car la musique est le grand amour de ma vie. Alors, il est temps que je partage cette découverte de plus de trente ans et qui tourna mon regard sur un genre musical que je ne connaissais pas.

Le hasard n’est jamais fortuit.


Dans les aléas des rencontres au lycée, il y en a qui semblent anodines, mais qui vous marquent toute la vie. Au printemps 1988, j’écoutais Prince la plupart du temps. Mes oreilles n’entendaient plus cela.
Puis une amie afin de passer plus de temps ensemble, m’a prêté un vinyle : David Sylvianne (du moins, c’est ce que je pensais phonétiquement).
En rentrant à la maison, j’ai posé le sachet dans un coin avant de poser mon casque sur les oreilles. Hélas, je ne sais plus quand, mais un soir suivant, sans doute enivré par les guitares de „Sign O the times“, je sortais l’album „Secrets of the Beehive“ du sac en plastique.
Je ne prêtais pas attention à l’austère pochette, et déposa délicatement l’aiguille sur le sillon, tout en retournant à mes occupations.
Après plusieurs écoutes, un titre attira mon attention : „The devil’s Own“, dont le leitmotiv au piano me rappelait le film „Rusty James“. Aussitôt, des images en noir et blanc hantèrent mes visions et j’étais pris dans l’engrenage d’une libération suicidaire.
Comme un rouleau compresseur, chaque chanson tour à tour remplissait mes humeurs vagabondes. Une semaine plus tard, je rendis le vinyle à mon amie, sans savoir que cette rencontre musicale changera ma vie.
Je m’empressais d’acheter le CD, car je ne pouvais plus me passer de la voix envoûtante du chanteur et compositeur.

Spellbound


Justement, la voix de David Sylvian est unique à bien des égards. Mais l’orchestration judicieuse et les paroles sibyllines ont eu raison de moi. Je sentais qu’il y avait plus que cela, un ailleurs derrière chaque chanson, un paradis perdu, en quelque sorte.
Aujourd’hui, après plus de trente ans, l’oeuvre de David Sylvian n’a presque rien perdu de son jus, de son arôme.
Même lorsqu’il chante quelque chose d’heureux, la voix sombre dans un dédale sans fond ou seule la mort trouve un sursis.
À l’époque ou internet était un mot très vague, chercher les paroles des chansons étaient devenues une aventure. Je ne découvrais d’ailleurs toute la portée du texte que fin 1992, mais ça, c’est une autre histoire.

Spitting out diamond


Bref, revenons à ce fameux été 1988, le bel été. Je ne fréquentais plus cette amie qui m’avait fait découvrir David Sylvian, mais je continuais à écouter l’album, quand je souhaitais me replier sur moi-même.
C’était l’âge pour moi des premiers vers, et les paysages dressés dans les chansons se prêtaient à merveille. „Secrets of the Beehive“ était un album pour écrire.
Je conseillais à qui voulait l’entendre ce chef d’oeuvre musicale en me rendant compte que tout le monde n’appréciait pas cette musique.
Et parlons-en ! C’est quoi exactement ? C’est de la pop music, mais glisse imperturbablement vers l’alternatif. L’album est acoustique, avec uniquement quelques nappes synthétiques. C’est posé, calme, reposant, envoûtant, criant de solitude. Le rire moqueur de „Maria“ fait encore vibrer les murs qui plongent dans l’ombre de la fin du jour. Le leitmotiv glaçant au piano dans „The Devil’s Own“ m’emmène toujours dans cette ville aux ombres chinoises de „Rumble Fish“. Les guitares d’“Orpheus“ me transportent dans un paysage que je n’ai pas encore visité. Je ne savais pas que le flamenco de „When Poets Dreamed of Angels“ avait une autre interprétation (lire les paroles). L’apogée de ce paysage automnal est atteint avec „Let the Hapiness In“ : Elle aboutissait à une absolution, une lumière au bout du tunnel, que seule apporte la mort. Poussé par les instruments à vent vers un paradis terrestre, le chant de David Sylvian devenait celui d’un ange.

Cet album a surtout ouvert la voie à d’autres sources musicales qui m’apporteront énormément, mais ceci est une autre histoire.

La musique cette année



L’année s’achève dans l’apothéose chaotique d’un silence insoupçonné. Musicalement, elle a été riche, en déception. Il y a eu beaucoup de feux de paille, d’artifices monotones, mais ce n’est pas une mauvaise chose. Une musique agréable, qui s’oublie en travaillant au bureau, a aussi ses moments agréables.
Mais que reste-t-il aux oreilles, sur le coeur ? Les notes s’écoulent comme des larmes sur une joue, mais le vent sèche tout cela en un rien de temps.
Depuis que je suis passé au service de streaming, j’ai écouté beaucoup de musique, bien plus qu’au temps du CD. Avec des millions de chansons au catalogue, il faut s’armer de patience pour trouver la goutte d’eau qui apaisera votre soif, un moment.


Album de l’année:
Luke Howard, Open Heart Story


Une oeuvre contemplative qui raconte un voyage vers l’expérience de l’existence. Il est impossible de ne pas retrouver une ou des parties de sa vie dans cette musique qui ramène à l’enfance, rappellent les amours passés tout en regardant vers la vieillesse.
Dans l’intensité de certaines compositions, on se demande si Luke Howard n’est pas tout simplement Max Richter.
Recouvrir sa vie dans un album aux chatoiements de testament n’est pas un châtiment, mais une bénédiction.

          




Album Jazz:
Sonny Clark, Blues in the Night


En fin de soirée, quand la lumière tamisée cherche à terminer la journée en beauté, je ne peux que lancer Blues In The Night de Sonny Clark. Un verre de vin à la main en lisant un bon livre, quoi de mieux pour savourer la vie ?
Le piano tout en subtilité berce la nuit comme une berceuse éternelle. Bien avant les relents avant-gardistes du jazz des années 60, l’album de Sonny Clark vous emporte dans un de ces bars magiques ou la musique était sacrée.

          




Album Classique de l’année:
Recomposed by Peter Gregson, Bach the Cello Suites


Les suites pour violoncelle de Johann Sebastian Bach sont aussi connues que les quatre saisons d’Antonio Vivaldi. Qu’apporte donc Peter Gregson avec sa recomposition ? À l’instar de Max Richter et les quatre saisons de Vivaldi, Peter Gregson a repris l’essence de l’oeuvre pour la réécrire. Et le violoncelle n’est plus seul, souvent accompagné par d’autres cordes voire un soupçon d’électronique, Peter Gregson donne une version pleine d’émotion et de profondeur. Les suites ne sont pas altérées et gardent leur âme, mais ce palimpseste ouvre de nouveaux horizons sur une musique connue. À écouter en boucle.

          




Voix de l’année:
Blossom Dearie, Once upon a summertime


Écoutée surtout l’été, la voix de Blossom Dearie sortait du silence crépusculaire comme un rêve qui s’annonce apaisant. C’est du Jazz, loin de Billie Holiday, les chansons s’enchainent comme une ivresse sous un soleil couchant.

          




Redécouverte de l’année:
Peter Gabriel, Sledgehammer


Je connais Peter Gabriel depuis bien longtemps et l’album So a bercé les ondes de radios de mon adolescence. Évidemment je connais par coeur Sledgehammer le hit de l’artiste. Mais j’avoue, je n’ai jamais totalement apprécié cette chanson, préférant Mercy Street ou le duo avec Kate Bush.
Ayant écouté durant de longues semaines toute la discographie de Peter Gabriel, je me suis surpris à adorer ce titre. Il a su toucher mes sentiments au bon moment. Plus de trente ans après, Sledgehammer n’a pas pris une ride. Une production bien menée.

          




L’errant de l’année:
George Michael, Older


Alors, là, je n’arrive pas à lâcher. Tous les ans à la même époque je réécoute en boucle en découvrant toujours quelque chose. Je ne sais pas, mais cet album me colle à la peau telle un sparadrap sur une plaie que ne guérit pas. Sa voix, les paroles, la production jazzy, tout y est là pour qu’Older se tatoue sur ma vie.

          




Single de l’année:
Kazy Lambist, Annecy


Un rythme incessant, une voix suave, des paroles simples pour une petite chanson spontanée qui s’écoute en boucle, assis dans un train en regardant le paysage défiler.



Chanson de l’année:
Syml, Where’s my Love


En entendant la version piano de « Where’s My Love », j’ai tout de suite pensé à « Wuthering Heights » de Bronte. Du romantisme pur et dur, mais la chanson garde quand même une sincérité qui m’a touché.

          




L’album « machine à remonter le temps »:
David Sylvian & Holger Czukay, Plight & Premonition


L’album qui revient les nuits d’hivers, tel un fantôme. Deux titres de musiques d’ambiance d’environ 15 minutes qui vous emmènent dans un monde seul connu de vous. Parfait pour méditer ou rêver. Aucun signe de lassitude après plus de trente années.

          




Artiste de l’année:
Freya Ridings


Découverte en juin grâce à un message de Realworld Studios où la jeune dame jouait une version piano d’une de ses chansons. Bon, j’ai cliqué sur la vidéo parce que j’aime bien sa couleur de cheveux, puis j’ai été « boulversifié » par sa voix qui m’a transpercé de part en part. Freya, l’autodidacte grimpe en notoriété et je suis impatient d’écouter enfin son premier album.